Organisation de la coopération islamique - "Iftar" (Quai d’Orsay, 27 juin 2016)

Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international, a offert au Quai d’Orsay un "iftar", dîner de rupture du jeûne en période de ramadan.

Cet événement a permis, comme chaque année, d’honorer les Ambassadeurs des pays membres de l’Organisation de la coopération islamique.

La France entretient des liens étroits avec cette organisation, auprès de laquelle elle a nommé un envoyé spécial.

Les principaux responsables de l’islam de France étaient aussi présents.

Discours du Ministre Jean-Marc Ayrault à l’occasion de l’iftar avec les pays de l’OCI

Monsieur le Président du Conseil français du culte musulman,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Messieurs les Responsables de l’islam de France,
Mesdames et Messieurs, Chers Amis,

C’est désormais une tradition pour beaucoup d’entre vous que de vous accueillir pour un Iftar au Quai d’Orsay. Je dois vous dire que je suis très heureux de vous rencontrer ce soir et de vous avoir invités pour cette soirée conviviale et fraternelle. Cette rencontre est d’abord l’occasion de renouveler toute la considération de la France envers le monde islamique, dont vous représentez ici toute la richesse et la diversité.

Alors que des mouvements terroristes se livrent à des crimes abjects en invoquant l’islam, je souhaite être très clair et redire que le gouvernement français dénonce avec la plus grande force, non seulement ces crimes, comme vous le faites vous aussi, mais aussi cet amalgame aussi absurde que coupable.

L’islam est une religion qui a toute sa place dans la société française. Vous savez que nous avons tous ce concept de laïcité auquel nous sommes attachés.
La laïcité, c’est avant tout la liberté de croire ou de ne pas croire et, si l’on croit, la liberté de pratiquer librement et dignement sa religion. Cela vaut naturellement pour l’islam comme pour toutes les autres religions.

C’est pourquoi je me réjouis que notre rencontre intervienne à un moment où s’intensifient les relations entre les pouvoirs publics et les musulmans de France, notamment à travers l’instance de dialogue mise en place par mon collègue le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve et auquel vous participez activement Monsieur le président.

La deuxième réunion de cette instance, qui s’est tenue il y a quelques semaines, a porté sur un sujet hélas capital pour nous tous : la lutte contre la radicalisation.
Notre pays est attaqué par le terrorisme. C’est notre peuple tout entier dans sa diversité qui est touché ; il l’est, sans distinction d’âge, de statut social, de religion.
C’est notre peuple tout entier qui doit s’élever contre ceux qui portent atteinte à nos valeurs, contre ceux qui veulent nous dresser les uns contre les autres.

Je profite de cette soirée, car je veux vous rendre hommage, Monsieur le président, et vous remercier, vous et le conseil du culte musulman, pour les efforts que vous entreprenez à la tête de ce conseil, vous personnellement, pour la mobilisation des musulmans de France contre le terrorisme, et pour défendre aussi les valeurs de la République française. Ces valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité qui fondent notre volonté de vivre ensemble, ces valeurs auxquelles l’immense majorité des musulmans de France sont attachés. De plus, vous avez pris vos fonctions dans des circonstances très difficiles mais vous avez aussi pris toutes vos responsabilités pour être ferme, clair et engagé. C’est aussi pour cela que je voulais vous remercier.

Mesdames et Messieurs les ambassadeurs, je n’oublie pas que la France n’est pas la seule à être confrontée à l’épreuve du terrorisme, et dans beaucoup de vos pays, la population est aussi victime de ces actes barbares. Vous le savez bien hélas. Je profite de cet instant pour exprimer à nouveau ma solidarité à tous ceux et à toutes celles qui en ont subi les conséquences. Cette lutte contre le terrorisme est d’ailleurs un sujet central de nos relations, notamment avec le monde musulman.

Mesdames et Messieurs les ambassadeurs, vous le savez bien, dans mes contacts avec vos pays, je mesure toute la volonté d’unir nos efforts - cet après-midi j’ai rencontré le représentant de l’Arabie saoudite, et nous avons évoqué ces questions comme nous les évoquerons avec d’autres représentants -, pour favoriser une meilleure compréhension mutuelle, c’est aussi de contrer les discours extrémistes, promouvoir la coopération entre nos peuples. Et votre rôle, Mesdames et Messieurs les ambassadeurs, je le sais, est essentiel.

C’est le sens du dialogue que notre diplomatie entretient avec les autorités religieuses, y compris musulmanes à travers le monde. Nous nous sommes réjouis de recevoir avec le président de la République le mois dernier, le Grand Imam d’Al-Azhar, Cheikh Ahmed Al-Tayeb pour sa première visite officielle en France. Nous avons été marqués, j’ai été marqué par son message de tolérance, de sagesse et nous lui sommes très reconnaissants du geste symbolique qu’il a accompli en déposant une gerbe de fleurs devant le Bataclan.

C’est dans le même esprit de dialogue que nous travaillons avec nos partenaires sur la formation des imams et des cadres religieux et que nous apportons notre soutien au développement des échanges universitaires et interreligieux.

Je me réjouis aussi du renforcement de nos relations avec l’organisation de la coopération islamique. La désignation de notre consul général à Djeddah comme envoyé spécial auprès d’elle permet aujourd’hui des échanges étroits et permanents. Nos consultations du mois dernier ont confirmé tout l’intérêt que nous avons à les développer.

Mais, lutter contre le terrorisme, c’est lutter pour la paix, défendre ceux qui souffrent et souvent des injustices, et c’est aussi chercher inlassablement à résoudre les crises qui déchirent le monde et dont se nourrissent les obscurantistes.

Au Proche et Moyen-Orient, comme en Libye, la France est engagée, aux côtés de ses partenaires, dans ce combat, qui doit s’accompagner de la recherche de solutions politiques à tous les conflits.

Notre diplomatie a un horizon fondamental : la recherche obstinée de la justice et de la paix. L’initiative française de relance d’un processus entre Palestiniens et Israéliens, dont la première étape a été un succès, en est l’illustration la plus récente.
Le 3 juin à Paris, la communauté internationale s’est en effet remobilisée autour de la solution des deux États et a confirmé sa volonté de créer les conditions d’une reprise des négociations, en proposant aux parties un paquet global d’incitations et de garanties.

Cette réunion était la première depuis le mois de novembre, certains finissaient par oublier que l’objectif était bien de créer les conditions de deux États et de permettre aux Palestiniens de disposer d’un État, vivant à côté d’Israël, dont la sécurité serait davantage garantie.

Nous savons que c’est un chemin difficile. Je remercie les États membres de l’OCI, et son secrétaire général, Iyad Ameen Madani, pour leur soutien précieux dans cet effort collectif qui ne fait que commencer, et c’est d’ailleurs à Djakarta lors de la réunion de l’OCI que le premier soutien avait été exprimé par tous les participants et j’avais eu l’occasion d’exprimer toute ma gratitude.

La justice et la paix, je l’ai dit, doivent aussi triompher pour le peuple syrien. La France souhaite que la trêve soit respectée, ou plutôt que l’on retrouve les conditions d’une trêve, et qu’un accès humanitaire sans entrave soit assuré et qu’une reprise des négociations politiques soit possible au plus vite. Car seule une transition politique pourra mettre fin à une tragédie qui a causé tant de souffrances et jeté tout un peuple sur les routes tragiques de l’exil.

Au Sahel, la France inscrit son action en soutien à ses partenaires africains. C’est le cas au Mali, où toutes les parties signataires de l’accord de paix d’Alger se sont réunies il y a quelques jours, à l’occasion d’un Iftar pour marquer l’anniversaire de cette étape essentielle sur la voie de la réconciliation nationale. Cet anniversaire a coïncidé avec des avancées notables, et je m’en réjouis, m’étant rendu sur place avec mon collègue allemand, dans la mise en place des autorités intérimaires dans le nord du pays et des patrouilles mixtes entre les différentes forces.

Dans le bassin du Lac Tchad, Boko Haram commet des actes barbares à l’encontre des populations civiles et des forces armées. La France est solidaire de tous les pays touchés, le Niger, le Tchad, le Cameroun et le Nigéria. Grâce à l’action coordonnée des forces africaines, cette barbarie recule. Nous sommes déterminés à aider ces pays pour qu’ils retrouvent la sécurité et reprennent leur chemin vers le développement. Nous sommes résolus à mobiliser nos partenaires, notamment européens, dans cette perspective. Je ne manque aucune occasion de rappeler la nécessaire solidarité de l’Europe avec l’Afrique.

En République centrafricaine, les différences religieuses et communautaires avaient conduit le pays au bord du gouffre et même de la guerre civile. Aujourd’hui, après un processus électoral remarquable, le pays se réconcilie peu à peu, il redémarre même si c’est difficile et parfois tendu. Je souhaite que tous les amis de la Centrafrique continuent à s’impliquer dans la reconstruction et le retour de la sécurité.
Enfin, j’étais, il y a quelques jours, en Birmanie, où j’ai eu l’occasion d’évoquer le sort de toutes les minorités et notamment celle des Rohingyas, qui subissent violence et discrimination. J’ai lancé un appel en faveur de l’amélioration de leur situation et constaté une écoute attentive des nouvelles autorités, je veux parler de Mme Aung San Suu kyi.

Mesdames et Messieurs les ambassadeurs, Mesdames et Messieurs, Chers amis,
Ce désir de paix, et ce soir, c’est vraiment un désir de paix que nous voulons partager ensemble. Ce désir de paix, c’est un engagement, c’est notre mission commune. C’est le lien qui nous unit ce soir, avec une exigence permanente qui est, sans cesse de rechercher la voie du dialogue et du respect mutuel. Cela ne vient pas spontanément, parfois on est tenté par la caricature, par le refus de l’autre, par le rejet, par le refus de faire un effort pour être à la portée de l’autre. Cette religion de paix qui nous réunit ce soir, nous devons continuer de la faire vivre ensemble, chacun à notre manière, puisque c’est la paix qui nous réunit.

Merci de votre présence, merci d’avoir répondu à mon invitation et que ce mois de ramadan vous apporte, à vous et à vos proches, bonheur et santé.
Je laisse maintenant la parole au président du conseil français du culte musulman pour procéder à la rupture du jeûne.

Dernière modification : 05/10/2017

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